« Ouais, ça a pas d’importance. Ta raison. Rien n’a d’importance pas vrai ? »

Son regard m’achevait. Si j’avais pu me cacher dans un trou à cet instant-là, disparaître comme par magie dans une explosion de fumée pour fuir ma soeur, je l’aurais fait sans la moindre hésitation, quitte à me faire haïr pour le restant de mes jours. En réalité, je venais de perdre toute confiance en moi, de me surprendre à regretter amèrement cette erreur que j’avais commise avec Na Ri et pour la première fois depuis longtemps, je me remettais en question. Méritais-je véritablement de lui demander pardon alors que je lui avais menti à plusieurs reprises sans jamais me soucier des conséquences ? Jamais une seule fois je n’avais hésité à provoquer Na Ri quand j’en avais envie, peu importe l’endroit et les risques que nous prenions. Combien de fois étais-je venu me glisser dans la chambre de Cameron en pleine nuit pour réveiller son amie qui dormait dans son lit ? Combien de fois m’étais-je permis de faire jouer mes doigts entre mes cuisses pendant que nous déjeunions tous les trois dans la cuisine après une fête bien arrosée ? Du respect ? Je n’en avais jamais eu. J’étais Se Hwan, l’enfoiré le moins classe que la terre ait connu et pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher de jouer les types parfaits dès que je quittais ce loft, de faire vivre ce personnage que je m’étais créé de toutes pièces pour toucher cet héritage que j’étais persuadé de mériter.

Comme un enfant en train de se faire gronder, je gardais les yeux rivés sur le sol à attendre ma punition. Mais rien. Une fois de plus, Cameron me surprenait par sa façon de réagir à la situation. Au lieu de nous frapper, de crier comme une demeurée que j’étais dégueulasse en me balançant la culotte sale de Na Ri à la gueule, elle nous ignorait pour s’habiller d’une nuisette franchement transparente. Le grand frère que j’étais n’acceptais pas une tenue pareille mais au vu du regard qu’elle venait de poser sur nous, je préférais la garder en sourdine pour éviter un autre scandale. Une fois encore, ses mots me poignardaient. Comme si ça ne suffisait pas, Cameron décidait de se la jouer cool en nous donnant sa bénédiction, le tout en nous fusillant du regard l’un après l’autre. J’avais l’impression d’assister à mon enterrement, de signer mon arrêt de mort à l’instant où elle quittait la pièce en nous rappelant à quel point nous étions fautifs, tout autant Nari que moi. D’ailleurs, aucun de nous ne semblait vouloir aborder le sujet bien que nous soyons dans la même pièce. Pour l’instant, Na Ri était le cadet de mes soucis et j’estimais ne pas avoir de comptes à lui rendre. Sans lui adresser la moindre remarque, je quittais la pièce à mon tour pour rejoindre ma chambre à la recherche de vêtements que j’enfilais dans la hâte, rageant contre ce foutu placard qui ne m’avait rien fait et qui subissait ma colère à coups de poing. « Connard, t’es un putain de gros connard » C’était le pompom. D’abord l’accident, ensuite l’anniversaire…Qu’allait-il nous arriver ensuite ? Tout comme Cameron et son amie, j’avais besoin d’oublier cette soirée merdique, de me défoncer la gueule jusqu’à en être malade et pour ça, rien de mieux que de m’incruster chez Kira.

Plus les minutes défilaient et plus j’étouffais, bouffé par cette ambiance tendue que je ressentais jusqu’à ma chambre où je terminais de m’habiller en vitesse avant de dévaler les escaliers jusqu’au rez-de-chaussée. Sans leur porter un regard, je traversais la pièce, les lunettes enfoncées sur le visage et une clope entre les lèvres pour quitter la fête sans regrets. J’étais de trop. Il fallait que je m'éloigne et vite.